Le phosphore est un élément nutritif essentiel à l’existence et au développement des organismes vivants. Ce nutriment, naturellement peu abondant dans les écosystèmes aquatiques, permet la croissance des plantes aquatiques et des algues.  

Le cycle du Phosphore

Schéma : Le cycle du phosphore dans un lac

1. Sources de phosphore

    • Sols mis à nu (coupes forestières, agriculture, chantiers de construction, érosion et entretien des fossés, déboisement des rives et des terrains)
    • Ruissellement des eaux pluviales
    • Engrais domestiques (pour pelouses, platebandes, etc.)
    • Engrais agricoles (engrais chimiques, lisiers, etc.)
    • Rejets d’eaux usées domestiques (installations septiques) ou municipales (surverses)
    • Produits domestiques phosphatés
    • milieux humides et inondés (activités du castor)

Ces sources représentent les apports externes de phosphore. 

2. Phosphore dissous dans l’eau

Une partie du phosphore se trouve dissous dans l’eau. Les formes dissoutes sous forme d’orthophosphate sont celles qui sont les plus facilement assimilables par les végétaux aquatiques :

H2PO4, HPO42-  et PO43-

3. Végétaux aquatiques

Les Algues absorbent le phosphore contenu dans l’eau tandis que les plantes absorbent principalement celui contenu dans les sédiments. Lorsqu’ils meurent, les végétaux se décomposent. Ce processus de dégradation remet sous forme dissoute le phosphore contenu dans la Matière organique. Il se retrouve ainsi diffusé à nouveau dans la colonne d’eau. Ce phénomène engendre un apport interne en phosphore.

4. Phosphore lié aux particules

Dans les lacs profonds et bien oxygénés, le phosphore peut être capté par les Sédiments et y être stocké. Cependant, si l’oxygène s’épuise en profondeur, ce phénomène de stockage n’a plus lieu. Il s’en suivra un relargage massif du phosphore contenu dans les sédiments. Ce phénomène engendre donc un apport interne en phosphore. 

Les animaux ne sont pas illustrés sur ce schéma, mais ils participent également au cycle du phosphore. En effet, ils absorbent du phosphore en consommant des végétaux, puis le retournent dans l’eau et les sédiments à travers leurs déjections et au moment de leur décomposition.

Ce qu’il faut savoir au sujet du phosphore

Le phosphore est un élément essentiel à la croissance végétale. Puisqu’il se retrouve naturellement en faible concentration dans les plans d’eau, il constitue un facteur dit limitant. Ainsi, tout apport supplémentaire en phosphore, notamment ceux causés par les activités humaines, aura une influence directe sur la prolifération des plantes aquatiques, algues et Cyanobactéries en milieu aquatique. Ultimement, cet apport d’origine humaine entraînera l’eutrophisation prématurée des plans d’eau. 

Pour en apprendre plus sur l’Eutrophisation, consultez notre fiche informative.

La concentration en phosphore total dans l’eau constitue donc l’un des trois paramètres physico-chimiques qui permettent d’évaluer le niveau trophique d’un lac. 

Phosphore total (Ptot) = Phosphore dissous + Phosphore associé aux particules (organiques et minérales) 

Presque toutes les formes de phosphore (dissoutes et particulaires) sont composées de phosphates (PO43-).

Analyser le phosphore

Lac

Pourquoi?

Pour évaluer, à l’aide d’autres descripteurs, l’état de vieillissement ou d’eutrophisation général d’un plan d’eau (niveau ou statut trophique). 

Où?

Dans le premier mètre d’eau, à la fosse du lac. 

Comment?

Faire analyser la concentration en phosphore total (Ptot) des échantillons d’eau prélevés. La méthode utilisée en laboratoire doit être assez précise pour détecter des variations sous forme de traces, c’est-à-dire de l’ordre de 0,6µg/L. 

Quand?

Durant l’été, au moins à trois reprises (juin, juillet et août). 

Ces analyses peuvent être réalisées dans le cadre du Réseau de surveillance volontaire des lacs (RSVL) du gouvernement du Québec. Pour plus de détails sur la collecte des échantillons d’eau, consultez le protocole d’échantillonnage de la qualité de l’eau.

Interprétation des résultats

Concentration en phosphore total (µg/L)
(moyenne annuelle)

< 4 : à peine enrichi
≥ 4-7 : très légèrement enrichi
≥ 7-13 : légèrement enrichi
≥ 13-20 : enrichi
≥ 20-35 : nettement enrichi
≥ 35-100 : très nettement enrichi
≥ 100 : extrêmement enrichi

Valable pour les moyennes mesurées à la Fosse d’un lac, en utilisant les méthodes et fréquences prescrites aux protocoles de caractérisation du Réseau de surveillance volontaire des lacs (Source: MELCCFP)

Au fil de années

Afin de déterminer l’état de vieillissement général d’un lac et d’évaluer son niveau trophique sur la base d’indicateurs de la qualité de l’eau, plusieurs points sont à prendre en considération :

  • Il est important de tenir compte des trois paramètres physico-chimiques échantillonnés à la fosse du lac, soit la chlorophylle a, le phosphore total et la transparence de l’eau. 
  • Ce sont les moyennes de ces variables sur plusieurs années qui doivent être utilisées. En effet, plusieurs facteurs externes peuvent contribuer à la variation annuelle des données (température, précipitations, effort d’échantillonnage, etc.). Il est ainsi difficile de tirer des conclusions d’une année à l’autre.  
  • Les indicateurs d’eutrophisation mesurés dans l’eau réagissent lentement face aux apports en nutriments du Bassin versant. Une analyse de la végétation de la zone littorale (Périphyton et plantes aquatiques) est donc essentielle afin de détecter les premiers signes de dégradation d’un lac. Cette analyse permet également de distinguer les variations annuelles de son état de santé. 

Cours d’eau

Pourquoi?

  1. Déterminer la quantité de phosphore transportée par un cours d’eau.
  2. Détecter des sources de contamination par le phosphore.
  3. Évaluer la qualité bactériologique et physico-chimique de l’eau et identifier les paramètres les plus susceptibles de limiter la qualité de l’eau. 

    Où?

    1. À l’embouchure d’un cours d’eau, avant qu’il ne se déverse dans le plan d’eau, pour déterminer la quantité de phosphore qu’il transporte (charge). Le Débit, soit le volume d’eau drainé par le Tributaire, constitue un élément important à considérer. Plus celui-ci est élevé, plus le risque de contamination du lac augmente. 
    2. En amont et en aval d’une source potentielle de contamination. Il faut s’assurer que le secteur échantillonné est relativement homogène et non influencé par une autre source de pollution. 
    3. À plusieurs stations sur un cours d’eau afin d’identifier des secteurs où la qualité de l’eau est plus problématique ou d’évaluer la qualité générale de l’eau. 

    Comment?

    Faire analyser en laboratoire la concentration en phosphore total (Ptot) des échantillons d’eau prélevés. Combiner ces analyses avec celles de six autres variables lors du calcul de l’indice de qualité bactériologique et physicochimique (IQBP) de l’eau. 

    Quand?

    Tout dépend de l’objectif. Pour évaluer la charge de phosphore transportée annuellement par un cours d’eau : 

    • Mesurer le débit d’eau journalier. 
    • Prélever deux échantillons par semaine pendant la Crue printanière et automnale. 
    • Prélever un échantillon toutes les deux semaines le reste de l’année. 

    Dans le cadre d’un suivi à long terme visant à comprendre l’évolution temporelle de la qualité de l’eau : 

    • Prévoir un échantillonnage mensuel d’une durée minimale de quatre ans pour réaliser des statistiques fiables. 

    Dans le cadre du calcul de l’IQBP : 

    • Prélever des échantillons chaque mois entre mai et octobre inclusivement, idéalement après des épisodes météorologiques différents, afin de vérifier l’effet des pluies sur les variables mesurées. 
    • Répéter ces prélèvements sur une période de trois années consécutives. 

    L’utilisation des résultats provenant d’une seule année n’est pas recommandée pour l’interprétation des données de l’IQBP afin notamment, d’éviter les biais liés aux conditions météorologiques inhabituelles. 

     

    Interprétation des résultats

    Voici les classes de qualité des paramètres qui composent l’IQBP6 en rivières. Cet indicateur vise à évaluer la qualité de l’eau dans le but de limiter l’eutrophisation des plans d’eau, d’en préserver les usages et de protéger la vie aquatique.  

    Classe de qualité  Phosphore total (mg/L) 
    A — Bonne ≤ 0,03
    B — Satisfaisante 0,031 – 0,05
    C — Douteuse 0,051 – 0,1
    D — Mauvaise 0,101 – 0,2
    E — Très mauvaise > 0,2

    Source : MELCC (2002). Guide d’interprétation de l’indice de la qualité bactériologique et physico-chimique de l’eau (IQBP5 et IQBP6) 

    De plus, pour le phosphore total, le ministère de l’Environnement mentionne une concentration maximale de 30ug/L pour limiter la croissance excessive dalgues et de plantes aquatiques dans les ruisseaux et les rivières. Toutefois, cette valeur protectrice pour les cours deau nassure pas toujours la protection des lacs en Aval. 

    Ressources supplémentaires

    Consultez notre article de vulgarisation pour en apprendre davantage sur le rôle du phosphore dans le processus d’eutrophisation des lacs.

    Pour en savoir plus sur les actions à entreprendre dans différents secteurs d’activité du bassin versant pour protéger les lacs, consultez notre guide Protection des lacs : guide d’évaluation des actions à instaurer dans le bassin versant.

    Cette fiche informative est disponible en format PDF imprimable, seulement pour les membres de notre coopérative. Déposez une demande pour y avoir accès!

    Le RAPPEL peut vous accompagner dans le cadre du RSVL et vous aider à brosser le portrait des différents paramètres physico-chimiques et biologiques qui permettent de décrire l’état de santé et la qualité de l’eau d’un lac ou d’un cours d’eau. 

    Références
    Hébert, S. et Légaré, S. (2000). Suivi de la qualité des rivières et petits cours d’eau, Québec, Direction du suivi de l’état de l’environnement, ministère de l’Environnement, [En ligne : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/rivieres/sommaire.htm] 

    Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) (2023). Critères de qualité de l’eau de surface. Gouvernement du Québec, [En ligne : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/criteres_eau/index.asp].   

    Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) (2023) Réseau de surveillance volontaire des lacs – Les méthodes. [En ligne : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rsvl/methodes.htm].  

    Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) (2022). Guide d’interprétation de l’indice de la qualité bactériologique et physico-chimique de l’eau (IQBP5 et IQBP6). [En ligne : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/suivi_mil-aqua/guide-interpretation-indice-qualite-bacteriologique-physicochimique-eau.pdf] 

    Ministère du Développement Durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) (2013). Guide pour l’évaluation de la qualité bactériologique de l’eau en lac. Gouvernement du Québec. Direction du suivi de l’état de l’environnement, [En ligne : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rsvl/Guide-eval-bacteriologique-eau-lac.pdf] 

    Pinel-Alloul, B. et Bertolo, A. (2004). BIO3839 – Partie II – Limnologie biologique. Université de Montréal, Département de Sciences biologiques.