Pour évaluer la qualité de l’eau d’un lac ou d’un cours d’eau, il importe d’analyser une multitude de paramètres physico-chimiques. Le portrait détaillé qui résulte de ces analyses constitue un outil essentiel pour suivre l’état du plan d’eau dans le temps et prioriser les actions à mettre en œuvre pour le protéger.
La qualité de l’eau et ce qu’elle évoque
Les lacs et les rivières ayant une bonne qualité de l’eau suscitent énormément d’intérêt auprès des riverains et du public en général. Leur potentiel récréatif et leur beauté font de leurs abords des endroits privilégiés.
Chacun a sa définition personnelle pour décrire la qualité de l’eau ou d’un plan d’eau. En général, presque tous rechercheront un plan d’eau qui :
-
- ne dégage pas d’odeurs désagréables ;
- n’est pas de couleur brune ou verte ;
- n’est pas envahi par les algues et les plantes aquatiques.
L’importance de ces différents critères varie en fonction des personnes. Certaines mettent l’accent sur l’aspect visuel : l’environnement, le paysage, la faune et la flore riveraine. D’autres accorderont beaucoup de valeur à la tranquillité des lieux, à l’absence de bruits mécaniques permettant de mieux entendre les sons de la nature : le chant des oiseaux, le clapotis des vagues, le bruit du vent dans les feuilles, etc. Il reste que, pour plusieurs personnes, une importance prépondérante est accordée aux caractéristiques de l’eau elle-même.
La qualité d’un plan d’eau d’un point de vue scientifique
Les lacs sont classés selon la qualité de leur eau en tenant compte de leur stade de vieillissement, ou d’eutrophisation. Ce phénomène de vieillissement se caractérise par une augmentation de la productivité d’un lac, et engendre des changements dans l’écosystème aquatique.
Le vieillissement des lacs se produit naturellement à l’échelle géologique, c’est-à-dire sur des dizaines, voire des centaines de milliers d’années. Toutefois, le processus se trouve fortement accéléré par les activités humaines qui causent une augmentation des apports en nutriments et en sédiments, au point où l’on peut observer des signes de dégradation en une dizaine d’années seulement !
Schéma : L’eutrophisation est le processus d’évolution des lacs qui passent du stade oligotrophe à eutrophe.
Pour en apprendre plus au sujet de l’eutrophisation des lacs, consultez notre fiche informative à cet effet!
Comment évaluer la qualité de l’eau ?
Pour évaluer la qualité de l’eau d’un lac ou d’un cours d’eau, il importe d’analyser une multitude de paramètres physicochimiques et biologiques. Le portrait détaillé qui résulte de ces analyses constitue un outil essentiel pour suivre l’état de santé du plan d’eau dans le temps et prioriser les actions à mettre en œuvre pour le protéger.
Lac
L’évaluation de la qualité de l’eau d’un lac se fait dans la zone la plus profonde, que l’on appelle la fosse. C’est en analysant la concentration en phosphore total et en chlorophylle a dans le premier mètre d’eau ainsi que la transparence de l’eau que nous pouvons évaluer l’état de vieillissement général d’un lac sur une longue période. C’est d’ailleurs la méthode employée par le Réseau de surveillance volontaire des lacs (RSVL). Environ 800 lacs du Québec participent à ce programme. Pour plus de détails, consultez les protocoles d’échantillonnage de la qualité de l’eau et de mesure de la transparence.
D’autres variables, comme l’oxygène dissous, peuvent complémenter ces paramètres afin d’approfondir notre compréhension de la qualité de l’eau.
Schéma : Les différentes zones d’un lac
Cours d’eau
Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) utilise l’indice de qualité bactériologique et physicochimique (IQBP) pour évaluer la qualité générale de l’eau des rivières et du fleuve au Québec. Cet indice tient compte de quatre types d’usages de l’eau et des critères qui leur sont associés, soit :
- l’approvisionnement en eau brute à des fins de consommation ;
- la baignade et les activités nautiques ;
- la protection de la vie aquatique ;
- la protection du plan d’eau contre l’eutrophisation.
L’IQBP permet également d’identifier les paramètres les plus susceptibles de limiter la qualité de l’eau et de prioriser les actions pouvant contribuer à l’améliorer. Cet indicateur est basé sur l’analyse de six variables en rivières : le phosphore total, les coliformes fécaux, les matières en suspension, l’azote ammoniacal, les nitrites-nitrates et la chlorophylle a active.
Quoi mesurer ?
Voici une description des principales variables physico-chimiques qui sont prises en compte lors de l’évaluation de la qualité de l’eau d’un lac ou d’un cours d’eau (ordre alphabétique).
Paramètre
azote AMMONIACAL
Description
- Forme d’azote toxique pour la vie aquatique.
- Sources : lessivage des terres agricoles, eaux usées d’origine municipale et industrielle.
Paramètre
carbone organique dissous
Description
- Provient de la décomposition des organismes dans les milieux humides et les sols organiques.
- Fortement associé à la présence d’acides humiques, lesquels sont responsables de la coloration jaunâtre ou brunâtre de l’eau.
- Influence la transparence de l’eau.
Paramètre
Chlorophylle a
Description
- Pigment présent chez tous les organismes qui font de la photosynthèse, dont les algues microscopiques en suspension dans l’eau (phytoplancton).
- Reflet indirect de la quantité de phytoplancton dans l’eau d’un lac.
- Est liée à l’abondance du phosphore dans l’eau.
- Sert à déterminer le niveau d’eutrophisation d’un plan d’eau.
Paramètre
Coliformes fécaux
Description
- Représentés par la bactérie E. coli à 80-90 %. E. coli est une bactérie intestinale provenant des excréments produits par les animaux à sang chaud, incluant l’humain et les oiseaux.
- Indiquent une contamination fécale et la présence potentielle de microorganismes pathogènes susceptibles d’affecter la santé animale et humaine.
- Permettent d’évaluer la qualité de l’eau de baignade ou la qualité bactériologique de l’eau lors d’activités de contacts directs ou indirects.
- Sources des coliformes fécaux d’origine fécale : rejets municipaux, épandages agricoles (fumier ou lisier), installations septiques et fosses à purin non conformes, débordements des stations d’épuration et des trop-pleins.
- Sources des coliformes fécaux qui ne sont pas d’origine fécale : eaux enrichies en matière organique (effluents industriels du secteur des pâtes et papiers ou de la transformation alimentaire).
Paramètre
Matières en suspension
(MES)
Description
- Particules de petite taille qui ont la possibilité de se maintenir un certain temps dans la colonne d’eau (particules de sol, matières organiques en décomposition, phytoplancton).
- Indiquent une prolifération d’algues ou des apports de particules de sol qui contribuent à l’enrichissement et au réchauffement des eaux, diminuent la teneur en oxygène dissous, envasent le fond des plans d’eau, colmatent les frayères et bloquent le système respiratoire de plusieurs poissons.
- Sources : érosion des sols du bassin versant (sols agricoles, sols forestiers, rives artificialisées, carrières et sablières, sites en construction, fossés routiers, etc.), rejets municipaux et industriels.
Paramètre
Nitrites-nitrates
Description
- Principale forme d’azote dans l’eau.
- Servent à évaluer la qualité générale de l’eau des rivières et à détecter des sources de pollution.
- Sources : effluents municipaux et industriels, lessivage des engrais azotés provenant des terres agricoles.
Paramètre
Oxygène dissous
Description
- Décrit la teneur en oxygène qui se retrouve dans l’eau d’un lac.
- Profil en oxygène : mesure de l’oxygène dissous à différentes profondeurs, de la surface jusqu’au fond.
- Indique la qualité de l’habitat pour la faune aquatique.
- Peut représenter un signe d’eutrophisation.
Paramètre
Phosphore total
Description
- Élément nutritif essentiel à la vie et qui régule la croissance végétale.
- Est présent sous différentes formes dans l’eau (dissous, associé à des particules). Le phosphore total comprend l’ensemble de ces formes.
- Est naturellement peu disponible sous sa forme assimilable par les végétaux dans l’environnement aquatique.
- Sert à déterminer le niveau d’eutrophisation d’un plan d’eau.
- Sources : érosion des sols, engrais domestique, fertilisation agricole, rejets municipaux et industriels, installations septiques inadéquates, coupes forestières, etc.
Paramètre
Transparence
de l’eau
Description
- Profondeur jusqu’où la lumière pénètre.
- Mesurée à la fosse d’un lac, à l’aide d’un disque de Secchi.
- Influencée par l’abondance des composés organiques dissous et des matières en suspension qui colorent l’eau ou la rendent trouble.
- Sert à déterminer le niveau d’eutrophisation d’un plan d’eau.
Quand réaliser le suivi ?
Lac
L’échantillonnage de la qualité de l’eau à la fosse des lacs (phosphore total, chorophylla a, carbone organique dissous) doit être réalisé au minimum trois fois dans l’été (juin, juillet, août). La mesure de la transparence de l’eau doit pour sa part être réalisée une dizaine de fois entre mai et octobre. De plus, plusieurs années de suivi sont nécessaires afin de pouvoir déterminer le niveau d’eutrophisation général d’un plan d’eau.
Ce suivi peut être réalisé par des bénévoles d’associations dans le cadre du programme du Réseau de surveillance volontaire des lacs (RSVL) du MELCCFP.
Cours d’eau
Pour le suivi des tributaires, l’IQBP doit être évalué à l’aide d’échantillons prélevés chaque mois entre mai et octobre inclusivement et préférablement distribués sur une période de trois années consécutives, afin d’assurer une bonne représentativité des résultats. Pour plus d’information, référez-vous au guide du MELCCFP.
Les indicateurs biologiques
Afin de détecter des changements rapides de l’état de santé du lac en lien avec les activités humaines en périphérie, il est essentiel de compléter le suivi de la qualité de l’eau par la caractérisation des indicateurs d’eutrophisation de la zone littorale, comme les algues (périphyton) et les plantes aquatiques.
En ce qui concerne les cours d’eau, le MELCCFP recommande d’accompagner l’IQBP d’approches complémentaires basées sur l’intégrité de l’écosystème (bio-indicateurs), comme le suivi des macroinvertébrés et des algues diatomées benthiques afin d’établir un diagnostic plus global et touchant l’état des écosystèmes aquatiques dans leur ensemble.
Pour en savoir plus sur les macroinvertébrés benthiques, consultez le site Web du MELCCFP.
Les plantes aquatiques comme indicateur biologique
Le périphyton comme indicateur biologique
Ressources supplémentaires
Consultez notre article de vulgarisation pour en apprendre davantage sur le processus d’eutrophisation.
Vous souhaitez améliorer la qualité de l’eau de votre lac? Il faut travailler en amont! Consultez notre guide Protection des lacs – Guide d’évaluation des actions à instaurer dans le bassin versant.
Notre conférence Protection des lacs 101 enseigne les éléments fondamentaux des lacs et leurs enjeux environnementaux. Elle est disponible également en webinaire préenregistré!
Cette fiche informative est disponible en format PDF imprimable, seulement pour les membres de notre coopérative. Déposez une demande pour y avoir accès!
Le RAPPEL peut vous accompagner dans le cadre du RSVL et vous aider à brosser le portrait des différents paramètres physicochimiques et biologiques qui permettent de décrire l’état de santé et la qualité de l’eau d’un lac ou d’un cours d’eau.
Références
Hébert, S. et Légaré, S. (2000). Suivi de la qualité des rivières et petits cours d’eau, Québec, Direction du suivi de l’état de l’environnement, ministère de l’Environnement. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/rivieres/sommaire.htm
Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) (2019). Coliformes fécaux. https://www.inspq.qc.ca/eau-potable/coliformes-fecaux
Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) (2019). Escherichia coli. https://www.inspq.qc.ca/eau-potable/e-coli
Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) (2022). Guide d’interprétation de l’indice de la qualité bactériologique et physicochimique de l’eau (IQBP5 et IQBP6). https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/suivi_mil-aqua/guide-interpretation-indice-qualite-bacteriologique-physicochimique-eau.pdf
Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) et Conseil Régional de l’Environnement des Laurentides (CRE Laurentides) (2017). Protocole d’échantillonnage de la qualité de l’eau, 4e édition, Québec, Direction de l’information sur les milieux aquatiques, ISBN 978-2-550-78284-1 (PDF). https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rsvl/protocole-echantill-qualite.pdf
Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) et Conseil Régional de l’Environnement des Laurentides (CRE Laurentides) (2016). Protocole de mesure de la transparence de l’eau, 3e édition, Québec, Direction générale du suivi de l’état de l’environnement, ISBN 978-2-550 — 75374-2 (PDF). https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rsvl/transparence.pdf
Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) (2023). Indice de qualité bactériologique et physicochimique (IQBP). https://mddep.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/suivi_mil-aqua/indice-qualite-bacteriologique-physicochimique.htm
Ministère du Développement Durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) (2013). Guide pour l’évaluation de la qualité bactériologique de l’eau en lac. Gouvernement du Québec. Direction du suivi de l’état de l’environnement. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rsvl/Guide-eval-bacteriologique-eau-lac.pdf