Vous voulez en savoir plus sur la naissance et l’histoire du RAPPEL ?
Chapitre 6 : Dans les moments difficiles, l’heure des choix
Défis financiers
Comme bien d’autres organisations, le RAPPEL a souffert à un certain moment de la difficulté à financer ses activités.
En 2006, le conseil d’administration abordait d’ailleurs en assemblée générale les problématiques de la recherche de financement. Les membres ont alors été informés que l’organisation investissait trop de temps et d’énergie dans le démarchage de subventions supportant divers projets. Durant cette période, les activités éducatives étaient au cœur des activités du regroupement. Ces activités étaient soutenues financièrement par le gouvernement. Parmi les projets, citons l’exposition itinérante « Où est cachée la mouchetée ? », et l’activité destinée aux écoles primaires « La forêt, un milieu de vie ».
C’est ce que relate Denis Bachand, président du RAPPEL de 2007 à 2016 :
« Pour plusieurs, le RAPPEL devait tout simplement rendre l’âme en 2007, au motif qu’aucune subvention n’allait désormais en assurer les frais de fonctionnement. » – Denis Banchand
Si le RAPPEL a pu compter sur d’importantes subventions gouvernementales pour développer des projets novateurs dans le cadre de ses missions éducatives, la disparition de ces sources de financement eut un effet brutal. En effet, les autres bailleurs de fonds du RAPPEL commencèrent eux aussi à se rétracter. Le vice-président de l’époque, Jean Pouliot, corrobore l’histoire :
« Ça devenait donc un choc brutal quand les entrées de fonds ont cessé. Au niveau du personnel, on a réduit au minimum et on se disait : “On va pouvoir tenir encore une année, deux années…” ». – Jean Pouliot
Denis Bachand, président du RAPPEL de 2007 à 2016
Une solution à l’horizon
À ce moment, deux options s’offraient aux administrateurs. Jean-François Martel, qui était chargé de projets pour le RAPPEL à l’époque, s’en souvient clairement :
« J’ai assisté à ma première assemblée générale en 2009. À ce moment-là, le sujet était : est-ce que l’on ferme l’organisme ou est-ce que l’on devient une entreprise d’économie sociale ? » – Jean-François Martel
« La seule chose importante qui faisait consensus : il faut absolument conserver l’expertise qui s’est développée au RAPPEL. » — Claude Desautels
« Il fallait se positionner : satisfaire nos membres et se positionner comme des experts-conseils. » — Jean-François Martel
Bien que cette démarche d’autofinancement aurait pu se poursuivre en tant qu’OBNL, le système de coopérative encadré par la Loi sur les coopératives s’imposait comme choix.
« La loi sur les coopératives offre une structure juridique et organisationnelle mieux adaptée aux dures réalités d’un marché très concurrentiel. Ceci, tout en répondant aux besoins de stabilité et de rigueur dans la poursuite d’une vie associative de qualité, qui s’appuie sur des valeurs de justice, de solidarité et d’entraide. » — Denis Bachand
La formule coop permettait également de régler le problème irritant des cotisations annuelles qui étaient exigées par l’ancien OBNL. En effet, dans la formule coop, après le paiement des parts sociales, aucune cotisation annuelle n’est requise, quelle que soit la grosseur de l’association membre.
« À l’époque, certaines associations avaient un peu de difficultés avec la cotisation. À deux dollars par membres, une association de 400 membres trouvait que le service était petit pour l’argent investi, surtout comparativement à une association de 40 membres ! » — Claude Desautels
« On craignait de perdre notre mission de base qui est de sensibiliser, éduquer, faire en sorte que les gens se rendent compte de ce qui est important pour protéger l’eau d’un lac et son bassin versant. D’un autre côté, on mettrait en avant des services d’expertise qui pourraient être vendus et nous apporter des revenus. Ça ne s’oppose pas nécessairement. Je pense d’ailleurs qu’aujourd’hui, cette double dimension reste encore très présente dans la vision du RAPPEL. » — Lucie Domingue
Lucie Domingue
Chapitre 7 : Un virage effrayant soutenu par des acteurs engagés
Prise de décision
Dès 2009, le RAPPEL eut pour objectif de se positionner comme entreprise d’économie sociale tout en gardant son esprit d’entraide. Au Québec, la période d’après 2010 fut d’ailleurs marquée par la mise en valeur du système coopératif grâce à d’importantes organisations, telles que les caisses Desjardins.
Lors de l’AGA de 2014, il y eut une proposition de transformer le RAPPEL en une coopérative de solidarité et un comité fut formé pour analyser cette proposition. Le comité, composé de Mme Lucie Domingue, M. Claude Desautels et M. Jean Pouliot, fut soutenu par Mme Sandra Molina, de la Coopérative de développement régional de l’Estrie, qui fournit une assistance technique tout au long du processus, notamment en participant à quelques réunions de travail et en fournissant des documents légaux expliquant la procédure à suivre. Le comité se réunit à quatre reprises, ce qui mena à la rédaction d’un rapport présentant les avantages et les inconvénients de la transformation en une coopérative. D’ailleurs, lors de l’assemblée générale spéciale de 2015, Lucie Domingue présenta les nombreux avantages à l’assemblée : tout en maintenant la mission du RAPPEL, le capital social deviendrait un levier pour se doter d’un plan d’affaires, générer des revenus, développer des marchés potentiels, faire des alliances, des acquisitions, retenir les employés et développer leur expertise.
« Ce mode de gouvernance participative a fait ses preuves dans plusieurs secteurs clés de l’économie sociale, et pourquoi pas désormais dans celui de la protection de l’environnement ? » — Denis Bachand, ancien président du RAPPEL
« Un membre est égal à un vote, tout comme dans un OBNL. On gardait la même assemblée générale, les mêmes membres, le même conseil d’administration. C’est possible d’avoir une entreprise d’économie sociale qui est capable de redonner et d’être présente pour ses membres. Les associations et les clients sont ce qui fait la force d’une coopérative en tant que telle. » — Jean-François Martel
C’est à la suite de deux assemblées générales que la décision finale fut adoptée le 25 avril 2015 : le RAPPEL devenait alors une coopérative de solidarité commercialisant ses services.
Développer les services
Le changement vers une entreprise d’économie sociale, puis en coopérative, impliqua une modification d’état d’esprit qui ne se fit pas en un jour. Le mot d’ordre du regroupement fut ainsi de vendre ses services pour être capable d’assurer sa mission à long terme, tout en gardant un esprit coopératif, à l’image d’un OBNL. En une phrase : chercher de l’argent pour mieux servir les membres.
À ce stade, la présence de Jean-François Denault, directeur général du RAPPEL à mi-temps, fut fortement appréciée. En effet, M. Denault apporta un soutien déterminant à la transition en entreprise d’économie sociale. Un effort particulier fut mis en place dans la formation face à ce nouveau mode de fonctionnement. Celle-ci passa notamment par différentes rencontres stratégiques afin d’en apprendre plus sur l’émergence des coopératives.
« On avait demandé des avis et des conseils, et on a essayé d’avoir des subventions pour migrer vers la formule coopérative et survivre, malgré le fait que l’on soit très serré budgétairement parlant. » — Jean Pouliot
L’objectif fut ainsi d’autofinancer le RAPPEL, tout en offrant des services à des prix concurrentiels. Pour ce faire, les dépenses devaient être réduites au strict minimum.
« J’ai proposé qu’on développe les stabilisations de rive, mais l’équipe trouvait cela risqué. Je leur ai dit «si on ne prend pas de risques, ça va s’arrêter là pour l’organisation». Une personne dans l’équipe n’était pas réticente à prendre ce risque et c’était Jean-François Martel. » — Jean-François Denault
Naissance de la coopérative
Avril 2015 fut alors le fondement du regroupement que nous connaissons aujourd’hui : RAPPEL — Coopérative de solidarité en protection de l’eau, sur des valeurs de partage, d’équité et d’entraide. Afin de garder en vue cet idéal, une très grande attention a été portée à la promotion et la mise en œuvre de bonnes pratiques dans les bassins versants, qui ne faisaient pas l’unanimité à cette époque. C’est même par « une vigilance sans précédent jumelée à une discipline sans failles » que Denis Bachand décrivait les efforts à effectuer pour propager les bonnes pratiques sur les bassins versants, et atteindre l’objectif du RAPPEL.
Les objectifs généraux avancés ? Développer de nouveaux supports et outils de prévention et de sensibilisation, et élargir l’offre de services sur le terrain. D’ailleurs, la relation entre le CREE, le RAPPEL, le COGESAF et le ROBVQ était essentielle. Les organismes de bassins versants étaient responsables de produire les plans directeurs de l’eau pour l’ensemble du Québec. Les actions terrain à réaliser dans le cadre de ce plan allaient désormais constituer un marché prioritaire pour la nouvelle coopérative.
Chapitre 8 : L’envol de la coopérative
Le RAPPEL – Coopérative de solidarité en protection de l’eau d’aujourd’hui, c’est ainsi la concrétisation des objectifs du regroupement précoopérative… mais plus encore !
Notre mission
Promouvoir la protection des lacs, cours d’eau et milieux humides du Québec et soutenir, par notre expertise, les personnes et les organismes qui y sont engagés
Être une coopérative de solidarité donne également un certain pouvoir aux employés, ce qui a un effet non négligeable sur leur sentiment d’appartenance et leur engagement. Guillaume Miquelon et Bernard Mercier, chargés de projets seniors au RAPPEL depuis près de dix ans, l’expliquent bien :
« Cette transition a fait du bien aux employés. Ça permet de trouver des solutions qui sont plus optimales entre les préoccupations de la direction générale et celles des employés. » — Guillaume Miquelon
« J’ai siégé au conseil d’administration du RAPPEL pendant au moins 4-5 ans. C’est vraiment intéressant parce que l’on se sent vraiment partie prenante de l’entreprise : on se sent écouté et entendu en tant que travailleur membre. Lorsque l’on siège sur un CA, on représente nos collègues, on amène un point de vue “terrain”. » — Bernard Mercier
Organigramme du RAPPEL
Le modèle coopératif, encore plus précisément la coopérative de solidarité, offre la possibilité de regrouper tous les acteurs de protection des plans d’eau en une même mission. Il permet de combiner une vocation de bien-être des employés et de service aux membres, avec une vocation de regroupement, d’entraide, de solidarité et de partage, comme le mentionne Denis Lalumière, président du RAPPEL de 2021-2023. M. Lalumière a tenu, et tiens encore, un rôle majeur dans l’envol de la coopérative. Il guida notamment la première planification stratégique, qui posa les bases du RAPPEL que l’on connaît aujourd’hui.
Denis Lalumière
« Notre différence avec une entreprise privée d’expert-conseil, c’est qu’on travaille avec les gens. On offre la possibilité aux associations de travailler avec nous, de fournir des bénévoles et de la main-d’œuvre, ça fait baisser les coûts des travaux. Ils participent, ça favorise les échanges et ça donne un sentiment d’appartenance. On partage avec les associations, on fournit une expertise, un soutien. » — Bernard Mercier
La mission du RAPPEL, c’est en effet grâce aux membres qu’elle est atteignable. Ce sont eux qui donnent un sens à la coopérative, étant des acteurs de première ligne agissant pour la santé de leurs plans d’eau. Sentinelles essentielles attentives et présentes sur l’ensemble des bassins versants, les membres du RAPPEL sont au cœur des projets réalisés.
« L’éducation des citoyens, ça amène une prise de conscience. Quand on les implique dans la prise de données et dans le suivi de leur lac, ils vont changer de comportements pour protéger leur lac et adopter de bonnes pratiques sur leur propriété et dans le bassin versant. » — Mélissa Laniel
Mélissa Laniel, , coordonnatrice de l’équipe « LAC » et des services associatifs
Un nouveau chapitre qui commence
Finalement, quelques années plus tard, la coopérative RAPPEL compte plus de 350 membres dans 11 régions administratives, dont plus de 160 associations et une trentaine de municipalités. Notre santé financière est favorable à la prospérité, et nous avons toujours autant le souci de faire vivre notre mission et nos valeurs.
La suite? À nous de la dessiner ensemble… Où se dirige le RAPPEL dans les prochaines années ? C’est le thème de notre troisième et dernier article à paraître dans quelques mois. Restez à l’affût!