Un manteau blanc s’installe sur les plans d’eau. La nature s’endort, et les observations sont au point mort… Mais est-ce vraiment le cas? Bien que les activités autour du lac soient en effet réduites, l’hiver n’est pas forcément synonyme d’arrêt de la vie autour des plans d’eau! Intéressons-nous aux mécanismes de survie des végétaux et animaux dans les écosystèmes riverains en hiver.

Les végétaux, symboles de survie

Érable à sucre en hiver
Les feuillus se séparent de leurs feuilles à l’automne en réponse au stress occasionné par les changements de luminosité et de météo. En dormance durant tout l’hiver, c’est le printemps et ses températures adoucies qui remettent en circulation la sève, riche des nutriments accumulés avant l’hiver. C’est le cas des érables et de leur eau savoureuse !

Quelques feuillus de bandes riveraines :
érable rouge, chêne à gros fruits, saule blanc, etc.

Les conifères, pour la plupart, gardent leurs aiguilles en hiver, ce qui leur permet de continuer à produire leur énergie grâce à la photosynthèse. Leurs aiguilles présentent plusieurs adaptations qui leur permettent de résister aux températures négatives et de limiter la perte d’eau. La couche cireuse visible sur les aiguilles en est un exemple. Cette persistance malgré le froid va permettre d’offrir un abri et une source de nourriture à plusieurs espèces animales, comme le porc-épic.

Quelques conifères de bandes riveraines :
pruche du Canada, sapin baumier, cèdre (thuya occidental), etc.

Pruche enneigée
Ancolie du Canada

Les plantes vivaces, pour leur part, possèdent des racines qui vont survivre dans les sols gelés durant l’hiver. Ces racines stockent l’énergie nécessaire à la pousse de la plante lors de l’arrivée des beaux jours. À l’opposé, les plantes annuelles ne survivent pas à l’hiver. Elles vont cependant assurer une repousse printanière en produisant des graines, qui, elles, résistent aux basses températures grâce à leur enveloppe.

Impatiente du cap

Quelques plantes vivaces de bandes riveraines :
ancolie du Canada, aster à grandes feuilles, iris versicolore, etc.

Quelques plantes annuelles de bandes riveraines :
impatiente du cap, marguerite blanche, etc.

 Pour découvrir les végétaux adaptés à la bande riveraine, consultez notre fiche informative Végétaux adaptés à la rive.

Les animaux, champions de l’adaptation

La saison froide, du fait de ses conditions extrêmes, est un réel moteur d’évolution. Avec plus de dépenses liées au maintien de la chaleur corporelle et moins d’apports énergétiques en nourriture, les animaux ralentissent leurs activités et ont développé, au fil du temps, des mécanismes d’adaptation aux conditions hivernales riches et variés.
Sur les lacs, la présence de glace et de neige permet l’isolation du sol et des plans d’eau face aux températures extrêmes. Ces habitats protégés sont vitaux pour les animaux. Par ailleurs, ces lacs gelés deviennent de nouvelles routes de passage pour la faune, qui y laisse ses traces. Pour leur part, les plans d’eau qui ne sont pas gelés en surface peuvent être d’excellentes sources d’eau pour les animaux. Les lacs et cours d’eau sont ainsi des éléments centraux à la vie de nombreuses espèces animales, et ce, par toutes les saisons !

Pour en savoir plus sur les mécanismes de brassage et gel des eaux, consultez notre article de vulgarisation La saison froide et les lacs, entre mouvement et immobilité.

Des traces dans la neige qui en disent long…

L’hiver est le meilleur moment pour observer les traces d’animaux dans la neige : la nature est loin de s’endormir totalement, c’est le moment de voir à quel point les lacs et rivières fourmillent de vie !

L’absence de végétation augmente également notre visibilité et la propagation des sons. Entre traces de pas et d’ailes imprimés dans la neige et écoute attentive, il est possible de rendre sa balade autour des plans d’eau intéressante, et d’en apprendre plus sur la faune qui y vit à l’année !

Traces d’ailes

Les invertébrés

Les invertébrés sont des animaux qui ne possèdent pas d’os. On peut nommer notamment les insectes, les mollusques et les crustacés.
Moules zébrées
Dans les plans d’eau ne gelant pas sur toute la colonne d’eau, les invertébrés aquatiques réduisent leurs activités. L’eau libre étant maintenue à une température de 4 °C même sous la glace, ils restent cependant bien vivants ! C’est le cas, par exemple, des moules et écrevisses. Pour les méduses d’eau douce, ce sont leurs formes résistantes aux basses températures, les podocystes, qui permettront la survie de l’espèce durant la saison froide.

Les poissons

Les poissons sont protégés par les eaux des lacs, qui restent à température stable en hiver. Ils vont eux aussi réduire leur activité pour diminuer leur consommation en énergie et en oxygène, mais peuvent nager pour garder leurs branchies oxygénées. Il est rare de les observer en surface, et ils auront tendance à passer l’hiver au fond des plans d’eau.
Touladi pêché en hiver

Les amphibiens et reptiles

Amphibiens et reptiles aquatiques :

Grâce à leur capacité à capter l’oxygène par la peau, les amphibiens et reptiles aquatiques sont capables de passer l’hiver entier sous l’eau, et ce, même en présence de glace à la surface. Ainsi, certains hibernent exposés sur le fond des lacs, ou bien cachés dans des cavités aquatiques (pierres, bois, racines, etc.). C’est notamment le cas du ouaouaron, de certaines grenouilles (léopard, verte, du Nord, des marais), des tritons verts adultes et de certaines tortues (peinte, serpentine, etc.).

Tortue peinte
Grenouille des bois

Amphibiens et reptiles terrestres :

Passant l’hiver sur le sol, certains amphibiens et reptiles terrestres ont développé des méthodes d’évitement du gel : ils vont s’enterrer profondément sous le sol ou la litière de la forêt. C’est le cas du crapaud d’Amérique.

D’autres laissent le gel les emporter grâce à leur capacité de congélation. Quand la température avoisine les 0 °C, jusqu’à 65 % de leur corps gèle ! Ils ne présentent alors plus aucun signe de vie : leur cœur ne bat plus, la circulation sanguine est interrompue, et même leur cerveau est presque à l’arrêt. Ils vont alors patienter durant tout l’hiver près des plans d’eau, sous les feuilles et l’écorce des arbres. À l’arrivée des beaux jours, ils se réchaufferont et reprendront leurs activités normales. C’est le cas de la grenouille des bois et de toutes les rainettes québécoises (versicolore, crucifère, faux-grillon de l’Ouest et faux-grillon boréale).

Les oiseaux

Pygargue à tête blanche
À l’approche des températures plus fraîches, certaines espèces d’oiseaux migrent afin de passer l’hiver dans des régions plus chaudes, comme l’oie des neiges et la bernache du Canada. D’autres espèces d’oiseaux ne migrent pas, et restent actives tout l’hiver sur les terres québécoises. Des oiseaux aquatiques vont ainsi passer l’hiver aux abords des lacs qui ne sont pas entièrement gelés afin de pouvoir continuer de se nourrir.
Les oiseaux sont ainsi des animaux intéressants à observer en hiver ! Sur l’eau, il est possible d’apercevoir le fameux canard colvert ou quelques bernaches ayant adopté une vie sédentaire. Dans les airs, peut-être aurez-vous l’occasion d’apercevoir un pygargue à tête blanche.

Les mammifères

Les mammifères se voient confrontés aux mêmes défis que les oiseaux : maintenir leur chaleur corporelle et contrer le froid. Certains d’entre eux vont continuer leurs activités et peuvent être repérés en hiver !

Observations directes, traces de pas, restes de nourriture (végétale ou carcasses), tunnels dans la neige, excréments… Tous ces indices vous permettront d’en savoir plus sur les animaux présents dans les environs du plan d’eau : souris, lièvres, martres, ratons laveurs, renards, porcs-épics, castors, cerfs, orignaux, voire lynx ! De nombreux livres et sites Web vous aideront à décrypter toutes vos observations.

Traces de présence de castor
Castor du Canada
Traces de pas de castor

Quels que soient les mécanismes utilisés pour résister aux températures froides et à la météo parfois extrême de l’hiver, de nombreux habitants des plans d’eau et de leurs environs restent sur le territoire québécois toute l’année. Bien que l’ambiance autour des lacs et cours d’eau change radicalement, l’hiver est ainsi une saison bien plus active en observations que l’on pourrait penser.

C’est l’occasion de mieux connaître votre plan d’eau, d’observer et de comprendre tous les changements apportés par la saison froide !

Références

Bondrup-Nielsen, S. et Austin-Smith, P.J. (2011). Animaux en hiver. L’encyclopédie canadienne. https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/animaux-en-hiver

Langlois, A. (2012). La faune en hiver. Hinterland who’s who (Faune et flore du pays). https://hww.ca/fr/enjeux-et-themes/la-faune-en-hiver.html

Ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (2021). Pleins feux sur… l’hiver et le triton vert. MFFP. https://mffp.gouv.qc.ca/jeunesse/hiver-triton-vert/

Parcs Ontario (2021). Sous la glace, l’hiver au lac Simcoe. Ontario parks. https://www.ontarioparks.com/parcsblog/lac-simcoe-en-hiver/