Les milieux humides sont des sites saturés d’eau ou inondés durant une période suffisamment longue pour influencer les composants du sol et de la végétation.
Caractéristiques et importance des milieux humides
Le rôle des milieux humides n’est pas à débattre, mais reste encore méconnu d’une vaste majorité de citoyens. De fausses croyances se perpétuent même quant à leur inutilité ou leur nuisance, car ils entravent certains projets de construction et en agriculture, empêchant tout travail du sol. Pourtant, ce sont des écosystèmes exceptionnels rendant de nombreux services écosystémiques !
Les services écosystémiques correspondent aux bénéfices que l’humain peut tirer du bon fonctionnement des écosystèmes. Ces services sont témoins de l’avantage qu’ont les humains à préserver les milieux naturels !
Contrairement à de nombreuses informations, tous les milieux humides n’offrent pas les mêmes services à la société. Ceux-ci dépendent fortement du type de milieu humide, de leur localisation et des conditions liées à l’environnement les entourant. Selon ces conditions, un même milieu humide peut parfois avoir des fonctions inverses ! Par exemple, un milieu humide ayant la capacité diminuer les inondations en aval ne pourra pas assurer ce service s’il est lui-même saturé en eau. Comme une éponge trop mouillée !
En règle générale, le gouvernement du Québec reconnaît six grands services écosystémiques rendus par les milieux humides :
La filtration de l’eau
Certains milieux humides peuvent filtrer l’eau de surface naturellement grâce à leur haute densité en végétaux. Ceci est d’autant plus valable si l’eau séjourne longtemps dans ces milieux. Ils participent ainsi à retenir les polluants, les nutriments et certains sédiments, en les empêchant de se retrouver dans les lacs et les rivières.
La régulation des niveaux d’eau
Les milieux humides peuvent réguler les niveaux d’eau. Par exemple, certains sont particulièrement efficaces pour retenir l’eau et recharger les nappes phréatiques. Ainsi, ces milieux ont une certaine capacité à atténuer les crues et à diminuer les inondations. Cette capacité dépend cependant de nombreux critères et des zones d’ombre planent encore sur la dynamique régissant cette régulation des niveaux d’eau.
La présence d’une importante biodiversité
Tous les milieux humides sont reconnus pour offrir une grande richesse en biodiversité, que l’on parle d’espèces animales, végétales ou d’organismes microscopiques. Y trouvant une réserve alimentaire et des abris, ce sont 40 % des espèces mondiales qui vivent ou se reproduisent dans ces écosystèmes d’après Ramsar (2018) ! Les milieux humides sont également reconnus pour leur forte productivité biologique.
Le rafraîchissement de l’eau
Grâce à leur végétation importante, les milieux humides, comme bien d’autres milieux naturels, participent au rafraîchissement de l’eau qui les parcourt. Tout comme les bandes riveraines, ce rôle permet de diminuer les risques de prolifération d’algues.
La séquestration de carbone
Les milieux humides peuvent retenir le carbone et ainsi réduire les émissions de gaz à effet de serre. De ce fait, ils participent à atténuer les impacts des changements climatiques. Parmi les différents milieux humides québécois, ce sont les tourbières ombrotrophes qui sont particulièrement reconnues pour cette capacité.
La qualité du paysage
Les milieux humides sont des milieux naturels représentatifs de leur région et font ainsi partie de la culture locale. En préservant les qualités du paysage, ils participent également à la valorisation des propriétés voisines tout en offrant des lieux de loisirs (observation, randonnée) de grande valeur touristique.
Dans les bassins versants, il est fréquent de trouver plusieurs milieux humides. Les chercheurs s’accordent à dire qu’il existe un effet cumulatif des milieux humides. Ceux-ci forment notamment un réel réseau de contrôle des débits d’eau dans le réseau hydrographique. Ils participent ainsi, avec les lacs, à la santé des écosystèmes… mais également de nos infrastructures ! Il est donc nécessaire de caractériser ces milieux pour en savoir plus sur ceux qui doivent prioritairement être conservés sur le territoire.
Les types de milieux humides
Il existe plusieurs types de milieux humides qui se distinguent par leurs caractéristiques hydrologiques, leur sol et leur végétation. Au Québec, on reconnaît quatre grands types de milieux humides, soit les :
- Étangs
- marais
- Marécages
- Tourbières
Type
L’étang
Étang permanent
Étang vernal
Caractéristiques
Étangs permanents
Description : Surfaces recouvertes d’eau ayant une profondeur maximale de 2 mètres.
Alimentation en eau : Eaux souterraines, précipitations et écoulements de surface canalisés (cours d’eau).
Type de sol : Organique (composé de matière organique) sur plus de 30 cm, ou minéral.
Type de végétation : plantes aquatiques flottantes ou submergées, plantes aquatiques émergées sur moins de 25 % de la superficie totale.
Note : Cela exclut les étangs de pêche et d’élevage
Étangs temporaires (vernaux)
Description : Petites cuvettes dont la profondeur excède rarement le mètre.
Alimentation en eau : Eaux souterraines, précipitations et fonte des neiges provenant d’un petit bassin versant. Milieux inondés une partie de l’année seulement, généralement entre avril et juin, et s’asséchant durant l’été. Durée de rétention d’eau variable, et dépendant de la profondeur de la cuvette, des apports en eau et de la nature des sols.
Type de sol : Organique ou minéral.
Type de végétation et de faune : Assèchement régulier déterminant les espèces végétales et animales pouvant vivre dans ce type de milieu. Par exemple, cette caractéristique ne permet pas aux poissons d’y survivre. À l’inverse, les espèces adaptées aux cycles inondation-sécheresse, comme les salamandres et certaines grenouilles, y voient un parfait habitat.
Type
Le marais
Caractéristiques
Alimentation en eau : Apport d’eau en provenance du réseau hydrique (cours d’eau et lacs). Niveau d’eau pouvant varier au cours de l’année, dépendamment des inondations, de l’évapotranspiration voire des marées.
Type de sol : Organique ou minéral.
Type de végétation : Plantes aquatiques émergentes de type herbacée. Arbres et arbustes recouvrant moins de 25 % de la superficie totale du marais.
Type
Le marécage
Caractéristiques
Marécages en zone inondable
Description : Milieux situés en plaine inondable de cours d’eau ou de lac.
Alimentation en eau : Milieux soumis à des inondations saisonnières pouvant durer de quelques minutes à plusieurs semaines. Milieux également caractérisés par une nappe phréatique élevée dans certains cas.
Type de sol : Légère couche de matière organique en surface du sol, liée à la sédimentation apportée lors des crues des plans d’eau à proximité (maximum 30 cm de profondeur). Sol minéral mal drainé.
Type de végétation : Arbres et arbustes occupant plus de 25 % de la superficie totale du milieu, et plantes aquatiques émergentes de type herbacée.
Marécages en zone non inondable
Description : Milieux situés dans des zones isolées du réseau hydrographique et donc non soumis aux inondations saisonnières liées à la présence d’un milieu hydrique (cours d’eau, lac). Ils peuvent tout de même être situés près d’un milieu hydrique.
Alimentation en eau : Niveau d’eau important des nappes phréatiques, où celui-ci est proche de la surface. Milieux approvisionnés par les eaux souterraines, de ruissellement et les précipitations. Milieux gorgés d’eau pendant une majorité de la saison de croissance des végétaux.
Type de sol : Sol minéral mal drainé. Possibilité d’une couche mince de matière organique (inférieure à 30 cm de profondeur).
Type de végétation : Arbres et arbustes occupant plus de 25 % de la superficie totale du milieu, et plantes aquatiques émergentes de type herbacée.
Type
La tourbière
Sphaignes
Caractéristiques
Caractéristiques générales des tourbières
Description : Milieux humides résultant d’un processus d’accumulation de couche organique sur le sol.
Alimentation en eau : Nappe phréatique généralement élevée, au même niveau ou près de la surface du sol. Les tourbières sont classées en deux catégories, dépendamment de leur alimentation en eau (tourbières ombrotrophes et minérotrophes, voir plus bas).
Type de sol : Sol organique excédant 30 cm d’épaisseur et avec un état de décomposition variant de faible à très faible dépendamment des conditions hydrologiques du milieu.
Type de végétation : Milieux ouverts (sans arbres) ou boisés. Lorsque les arbres de plus de 4 m de hauteur recouvrent 25 % de la superficie de la tourbière, on parle alors d’une tourbière boisée. Végétaux à la limite de leur tolérance : une légère variation dans les caractéristiques (ex. : pH) peut entraîner l’élimination des espèces présentes. La végétation basse est composée de sphaignes.
Tourbière ombrotrophe (Bog)
Alimentation en eau : Précipitations seulement.
Type de sol : Couche organique de 30 cm à 4 m de profondeur, très acide.
Type de végétation : Dominance de sphaignes plus ou moins décomposées, de racines et de restes de cypéracées, d’éricacées et d’arbres.
Tourbière minérotrophe (Fen)
Alimentation en eau : Précipitations, eaux souterraines, eaux de surface et parfois inondations liées à un milieu hydrique adjacent.
Type de sol : Couche organique de 30 cm et plus, moyennement acide, mais plus riche en minéraux que les bogs. Les inondations peuvent apporter des sédiments, ce qui enrichie le sol en nutriments. Meilleure décomposition de la matière organique.
Type de végétation : Grande diversité d’espèces végétales possibles, en fonction des caractéristiques du milieu.
La protection des milieux humides
Point sur la réglementation
Devant l’importance capitale des milieux humides pour l’environnement, il est essentiel de les protéger contre leur dégradation et leur destruction. C’est pourquoi, au Québec, ces milieux sont protégés par des lois et règlements !
En effet, d’après la Loi sur la qualité de l’environnement, tous travaux, toutes constructions ou toutes autres interventions dans des milieux humides et hydriques doivent faire l’objet d’une autorisation ministérielle préalable. Ces activités sont décrites dans le Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE) et encadrées par le Règlement sur les activités dans les milieux humides, hydriques et sensibles (RAMHHS).
Gestion et protection des milieux humides
Quant à elles, la gestion et la protection des milieux humides dépendent des propriétaires terriens. Lorsqu’elle est effectuée sur une base volontaire, cette gestion s’avère une solution efficace. Par exemple, les propriétaires de ces sites peuvent eux-mêmes en prendre soin ou choisir l’utilisation d’options de conservation : servitude de conservation, bail, don, entente de gestion ou d’aménagement, vente de la propriété, etc.
Peu importe le modèle de gestion choisi, la première étape de protection des milieux humides consiste en leur identification et délimitation sur le territoire par le biais d’une étude de caractérisation écologique. En collaboration avec les propriétaires et différentes instances, le RAPPEL est prêt à participer à des projets visant à protéger et à améliorer l’état des milieux humides au Québec. Il peut aussi agir auprès du public en le sensibilisant à la sauvegarde de ces sites, en l’informant sur le sujet et en l’encourageant à une participation active à leur conservation.
Des milieux naturels en péril…
Et des solutions
Lorsque les milieux humides sont bien identifiés, de nombreuses bonnes pratiques contribuent à leur protection. Ces réflexes de gestion du territoire sont particulièrement efficaces pour le maintien de leur santé.
Actions contribuant à la santé et à la protection des milieux humides :
- Préserver l’alimentation en eau du milieu humide.
- Préserver une zone tampon non traitée assez large (pas de fauche, d’engrais, etc.) autour du milieu humide pour réduire les répercussions occasionnées par l’utilisation des sols environnants.
- Conserver, dans le milieu humide, les arbres morts qui procurent des abris pour la faune (insectes, oiseaux, mammifères).
- Respecter les périodes critiques de nidification des oiseaux et de Frai des poissons en leur assurant un accès libre au milieu et un environnement calme.
- Limiter les répercussions des activités de loisir en demeurant dans les sentiers tracés.
- Veiller à ce que les structures construites près des milieux humides et en bordure des cours d’eau (fondations solides de quais, remises à bateau, etc.) ne portent pas atteinte à leur intégrité.
Dans les cas de milieux humides en zone forestière ou agricole :
- Interdire l’accès du bétail au milieu humide à l’aide de clôtures ou de plantations d’arbres et arbustes (Article 4. du Règlement sur les exploitations agricoles [REA] Q-2, r. 26).
- Réduire le nombre de chemins et de fossés.
- Éviter le plus possible la formation d’ornières.
- Procéder à des coupes sélectives en dehors des périodes de nidification des oiseaux.
- Laisser une certaine variété d’arbres (grand et petit diamètres) dans la forêt pour offrir un habitat naturel aux espèces qui y nichent (écureuils, hiboux, pics, polatouches, canards branchus, etc.) ou qui les utilisent.
- Sur les terres agricoles à proximité, réduire l’utilisation de pesticides et d’engrais pouvant affecter la qualité de l’eau.
Ressources supplémentaires
Consultez l’étude de cas dédiée à notre analyse d’un milieu humide pour découvrir comment nous pouvons vous aider à protéger ces milieux.
Consultez notre fiche informative sur les plantes aquatiques.
Cette fiche informative est disponible en format PDF imprimable, seulement pour les membres de notre coopérative. Déposez une demande pour y avoir accès!
Nous pouvons vous aider à identifier, délimiter, créer ou restaurer vos milieux humides et hydriques.
Références
Canards Illimités Canada (2016). Milieux humides. Canards.ca. https://www.canards.ca/notre-travail/milieux-humides/
Canards Illimités Canada (2023). Quand les forces de la nature sont la réponse à la force de la nature. MétéoMédia. https://www.meteomedia.com/fr/nouvelles/climat/solutions/climat-canards-illimites-forces-de-la-nature
Convention de Ramsar sur les zones humides (2018). Perspectives mondiales des zones humides : état des zones humides à l’échelle mondiale et des services qu’elles fournissent à l’humanité, Gland, Suisse, Secrétariat de la Convention de Ramsar. https://ramsar.org/sites/default/files/documents/library/gwo_f.pdf
Éditeur officiel du Québec (2011, 09 juin). Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et favorisant une meilleure gouvernance de l’eau et des milieux associés — Chapitre C-6.2. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-6.2
Éditeur officiel du Québec (2017, 16 juin). Projet de loi no 132 : loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques. https://www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/lois_et_reglements/LoisAnnuelles/fr/2017/2017C14F.PDF
Éditeur officiel du Québec (2002, 12 juin). Règlement sur les exploitations agricoles (REA) — Chapitre Q-2, r.26. https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/Q-2,%20r.%2026
Gouvernement du Québec (2022). Conservation des milieux humides et hydriques. Gouvernement du Québec. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rives/milieuxhumides.htm
Jutras, S. et Plamondon, A. (2020). Fonctions hydrologiques des milieux humides boisés soumis à l’aménagement forestier : une revue de la littérature. Écoscience. 28 : 1, 1-31, doi.org/10.1080/11956860.2020.1772612
Lachance, D., Fortin, G. et Dufour Tremblay, G., (2021). Identification et délimitation des milieux humides du Québec méridional — version décembre 2021, Québec, Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Direction adjointe de la conservation des milieux humides. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rives/guide-identif-dellimit-milieux-humides.pdf
Nappi, A. (2013). Paludification. Fascicule 4.9, dans Bureau du forestier en chef | Manuel de détermination des possibilités forestières 2013-2018, Roberval, Gouvernement du Québec. https://forestierenchef.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/193-199_MDPF_Paludification.pdf